En tant que courtier en assurances, vous ne devez pas procéder à une numérisation horizontale, en établissant une plate-forme numérique pour la vente en ligne de produits d’assurance. Non : vous avez tout intérêt à vous numériser verticalement, pour fournir un soutien plus personnalisé que jamais à vos clients en fonction de leurs besoins. Voici l’essence de la vision de Louis Schoofs.
A travers son entreprise stratégique Consensio, Louis Schoofs accompagne intensivement des courtiers en assurances, entre autres, pour concrétiser l’avenir de la numérisation verticale. Avec sa fille Charlotte, il a mis sa vision par écrit dans le livre Good business in bank en verzekeringen (Good business pour les banques et les assurances). Louis vous la présente encore volontiers ici.
Dans votre livre, vous expliquez que le secteur des assurances a fondamentalement changé ces dernières années ?
« Vous pouvez même formuler cela plus généralement : c’est tout le secteur de la vente au détail qui a fondamentalement changé. Les entreprises de vente au détail investissent plus que jamais dans la proximité avec leurs clients.
Auparavant, les détaillants investissaient surtout dans des magasins physiques, pour y attirer les clients et réaliser des ventes. Or actuellement, les boutiques migrent de plus en plus sur internet. Le client y retrouve désormais tous les produits, à des prix d’ailleurs toujours plus compétitifs. C’est ce que j’appelle l’horizontalisation de la distribution. Et elle s’étend à présent au monde des assurances. Pour obtenir des informations de première main sur les assurances, le client ne doit plus nécessairement se rendre dans les bureaux de courtage : il les trouve tout simplement en ligne. »
Mais vous constatez aussi une verticalisation de la distribution ?
« En effet. En parallèle à cela, le secteur de la vente au détail se verticalise et là encore, le courtier en assurances doit suivre le mouvement. C’est sa chance, son avenir. Certes, il reçoit encore régulièrement des clients dans son centre d’accueil (adieu le bureau) pour mener des entretiens, mais il se base désormais sur ce qui est important dans la vie du client, ses relations, son travail… et non pas sur les produits. C’est la grande différence avec la vente au détail horizontale.
Lors d’un tel entretien, le courtier et l’assuré peuvent par exemple composer un mood board, sur lequel le client indique tout ce qui compte dans sa vie : son habitation, son travail, ses parents et les soins de proximité, les études de ses enfants, son avis sur le rôle de l’argent… Ensuite, le courtier en assurances sonde les besoins actuels et futurs qui s’y rapportent. Par exemple, où le client se voit-il habiter d’ici cinq à dix ans ?
Sur la base de ces besoins concrets, le courtier émet des suggestions de qualité à partir de l’offre d’assurance. Ces solutions s’étendent au-delà d’une protection purement financière. Ainsi, il en propose aussi à partir de l’offre des partenaires du réseau. Peut-être un conseiller en prévention pourrait-il passer voir le client pour rendre son habitation plus durable, si celui-ci veut y résider encore longtemps ? C’est ainsi que l’économie circulaire atteint le monde des assurances : plutôt que de payer pour couvrir un risque, vous investissez dans un avenir plus durable. »
En tant que courtier en assurances, comment dois-je m’y prendre ?
« Convenez avec chaque client de le rencontrer une à deux fois par an, pour discuter de ses besoins et de solutions appropriées. Peut-être ses enfants auront-ils fini leurs études et leur faudra-t-il une voiture pour leur premier emploi – et donc une première assurance auto ? A moins que les soins de proximité des parents n’aient pris une place importante et que l’équilibre travail-vie privée soit sous pression ? Le courtier devient pour ainsi dire un régisseur.
Pour pouvoir rencontrer régulièrement chacun de vos clients et les accompagner de façon optimale, il est important d’organiser votre bureau de courtage le plus intelligemment possible. Un bureau de courtage ne peut pas être chaotique ! Convenez d’un calendrier de rendez-vous avec chaque client : vous reverrez-vous dans six mois, dans un an… ? Quand le conseiller en prévention passera-t-il voir l’habitation ? Etablissez aussi un rapport de chaque entretien et notez-y les besoins constatés et les solutions proposées.
Se fonder systématiquement sur les questions et les aspirations du client dans le cadre d’une organisation bien huilée exige un bon sens du leadership, beaucoup de travail et de nombreuses formations pour approfondir la communication avec les clients. Et last but not least : vous devez vous numériser correctement pour gérer le contenu et les processus. »
Justement, comment un courtier en assurances doit-il se numériser ?
« Pour commencer, en tant que courtier, vous devez disposer d’un bon programme de gestion pour tenir à jour les informations sur vos produits d’assurance. Je ne m’étendrai pas là-dessus. Car en plus de cela, un courtier a besoin de trois autres solutions numériques.
Premièrement, il vous faudra un bon logiciel CRM, qui contiendra tout ce que vous devez savoir sur vos clients. Le mieux est d’engager un développeur. Expliquez-lui très précisément ce dont vous avez besoin et rédigez ainsi un cahier des charges détaillé. Ensuite, accompagnez pas à pas la société dans le processus de développement, car ce n’est qu’avec votre aide que le développeur pourra vraiment se mettre à votre place et percevoir les informations que vous devrez tenir à jour sur vos clients. Une fois la première version du logiciel développée, même si vous êtes très occupé, vous devrez dégager le temps nécessaire pour la tester et la mettre au point à court terme. Cela exige de la discipline, mais cela relève de votre responsabilité en tant que courtier.
Pouvez-vous utiliser un logiciel CRM préexistant ? Cela dépendra des cas. Quoi qu’il en soit, le logiciel doit satisfaire à vos besoins. Si vous optez pour une nouvelle création, vous devrez trouver un partenaire informatique qui comprend l’importance de cet investissement. Pour bien faire, examinez aussi le taux de roulement du personnel de la société informatique, afin d’éviter de changer trop souvent de programmeur et de devoir répéter votre histoire. »
Quelle est la deuxième solution numérique dont j’ai besoin en tant que courtier ?
« Deuxièmement, vous devrez avoir un logiciel dans lequel vous enregistrerez le temps que vous consacrez à chaque client. Car chaque heure que vous dédiez à un client doit être doublement récupérée. Notre formule de business implique que vos revenus soient deux fois plus élevés que votre coût salarial. De cette manière, vous vous ménagerez la marge nécessaire pour fournir un travail de qualité et pour investir. Ou mieux encore : commencez par planifier votre temps. Combien de temps par an prévoyez-vous de consacrer à un client donné, à un premier rendez-vous avec un client, à l’intermédiation en cas de sinistre, etc. ? En bout de course, l’enregistrement du temps vous montrera si votre estimation était juste. C’est la seule façon de construire une organisation efficace sur de solides bases financières et économiques.
Par ailleurs, n’ayez pas peur d’inviter vos clients à venir en rendez-vous. Aujourd’hui, ils accepteront sans aucun doute. Le temps du consommateur lui est plus précieux que jamais et il se peut même qu’il préfère un rendez-vous. »
Pour finir, il me faut encore une app pour mes clients, n’est-ce pas ?
« Exactement. Troisièmement, vous devrez proposer à votre client une application qui lui permettra notamment de suivre pas à pas le traitement de ses sinistres par vous, le courtier ; ce qui est déjà fait et ce qui reste encore à faire ; la date de son prochain rendez-vous de suivi avec vous sur la base du mood board, etc.
Cette app concentrera l’essence du projet que vous mettrez en place pour le client, à savoir, ce que vous ferez pour lui et la feuille de route que vous suivrez. C’est ainsi que vous resterez toujours proche du client, comme un conseiller essentiel – y compris par la voie numérique. Mieux encore, grâce à cette app, les clients deviendront des “membres” du courtier et pourront se rencontrer numériquement pour partager des astuces. C’est primordial pour la crédibilité de la marque “Le courtier”. Une fois encore, le cas échéant, vous devrez conclure un partenariat avec un développeur informatique. Et si vous avez développé une idée, comme une app ou un logiciel CRM, n’hésitez pas à l’inscrire aux Vivium Digital Awards. Vous en retirerez une grande visibilité et peut-être un important budget d’investissement. »
Avec tout cela, le courtier semble devoir relever un défi de taille ?
« C’est vrai, mais il n’est pas seul face à ce défi. Le temps où le gérant faisait tout lui-même est révolu, que ce soit dans le commerce de détail en général ou dans le courtage en particulier. Misez sur des partenaires qui pourront vous accompagner dans le développement de votre bureau de courtage verticalement numérisé, au plus près du client.
Mais ne vous contentez pas de compter sur les autres. En tant que courtier, vous devez avant tout développer une vision claire, qualitative et rentable, axée sur la numérisation verticale pour mieux soutenir vos clients. Car c’est là que réside l’avenir du courtier local, plutôt que dans une distribution numérique horizontale des assurances.
En tant que courtier, vous devez aussi faire des choix économiques : vous ne pourrez plus aider tous les clients. Concentrez vos efforts sur une clientèle plus réduite, segmentez-la et investissez pleinement dans la compréhension et le soutien numériques de ces clients. C’est ainsi que vous générerez le revenu nécessaire par client pour exister en tant que marque forte et que vous aboutirez à un bureau de courtage efficace, avec une marge financière suffisante et donc un capital que vous pourrez réinvestir judicieusement : pas dans des biens immobiliers ni dans des véhicules, mais bien dans vos clients. »